dimanche 27 octobre 2013

"Courir Comme Un Dératé".


                                         Il y a des matins comme ça : votre réveil n'a pas sonné, vous vous êtes rendormi, ou alors vous avez traîné sous la douche. Bref, vous êtes en retard pour prendre votre bus et, en l'apercevant au bout de la rue, s'approchant inexorablement de l'arrêt où vous le prenez tous les jours, vous vous mettez à courir... comme un dératé. Que vous rattrapiez ou non votre bus, peut-être vous interrogerez-vous sur la pertinence de cette expression (un dératé court-il vraiment plus vite qu'un "raté" ?!) et sur son origine. Voire sur les raisons de sa présence sur ce blog... Rassurez-vous, il y a bien un rapport avec l'antiquité romaine.


Pline l'Ancien.

                                         Si j'en crois mon dictionnaire, l'expression serait utilisée depuis le XIXème siècle. Pourtant, son origine est bien plus ancienne puisqu'elle vient directement d'un auteur romain, et pas n'importe lequel : Pline l'Ancien. Dans son "Histoire Naturelle", il traite entre autres choses des différents organes du corps humain, de leurs propriétés, de leurs maladies, etc. Il rapporte que la rate stocke notamment l'humeur mélancolique et que s'y concentrent les angoisses et le stress. Bon, il n'emploie pas exactement ces termes, mais c'est l'idée générale ! Tout ceci provoque parfois des points de côté et, évidemment, entraîne une gène certaine pour courir.
"L'estomac et les intestins sont recouverts par l'épiploon, membrane mince et garnie de graisse, si ce n'est chez les ovipares. A cette membrane est attachée la rate, du côté gauche, à l'opposite du foie ; quelquefois cette disposition est renversée, mais c'est un prodige. (...)  Elle est quelquefois une gène toute particulière dans la course ; aussi brûle-t-on la région splénique aux coureurs qui en souffrent. On assure que des animaux à qui elle a été extraite par une incision vivent néanmoins. Il en est qui pensent que la perte de la rate amène, chez l'homme, la perte du rire, et que l'intempérance du rire dépend de la grosseur de ce viscère. Dans une contrée de l'Asie appelée Scepsis, le menu bétail a, dit-on, une très petite rate; c'est là qu'on a découvert les remèdes pour les affections de ce viscère." (Pline l'Ancien, "Histoire Naturelle", XI-80.)
                                         D'où la conclusion logique tirée par les médecins antiques : soignons la rate pour permettre à nos athlètes de détaler comme des lapins ! Ils préparaient donc d'étranges mixtures (notamment des décoctions de prêles), sensées "dessécher" la rate (l'empêcher de gonfler, en fait) pour permettre aux coureurs d'améliorer leurs performances.  L'histoire ne dit pas si cela empêchait aussi les coureurs de se fendre la pêche, ainsi que le suggère Pline...

Schéma via www.doctorette.info
 
                                         L'idée fit son chemin et se déforma au fil du temps. Au XVIème siècle, des médecins tentèrent de pousser la logique plus loin, et testèrent la théorie en pratiquant des splénectomies sur des animaux (des chiens, en l'occurrence). L'idée étant de démontrer qu'un animal dératé courait plus vite que ses congénères - ce qui se conclut par un échec lamentable, puisque les malheureux toutous mouraient peu de temps après l’opération. Rappelons que la rate a pour fonction principale d'assurer l'immunité cellulaire et de réguler la quantité de globules et plaquettes. Bizarrement, on décida de ne pas étendre l'expérience aux êtres humains...

                                         Mais l'image avait frappé l'imagination collective, et l'idée que les personnes ayant subi une ablation de la rate couraient plus vite que les autres passa à la postérité. D'où l'expression "courir comme un dératé", qui signifie courir vite et sans s’essouffler, comme si on vous avait enlevé la rate.

                                         Bien qu'on puisse aujourd'hui vivre après une splénectomie, nul n'a jamais réussi à démontrer la justesse de cette formule - et rien ne prouve que les dératés manquent moins leurs bus que les autres...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

j ai subit une splecnectomie en juillet 2012 suite a un accident je peut vous dire que tout est faut car etant sportif amateur je n 'ai pas constate d amelioration sportif il faut plutot avoir la volonte de remetre la machine en marche avec ces craintes au debut et devoir suivre les conseils de sont medecin avec les restrictions qui en suit enfin bon courage a mes colegue deraté et bon courage une seule devise ne pas perde confiance et vivre normalement

FL a dit…

En effet, nous sommes d'accord : les médecins de l'Antiquité se plantent parfois dans les grandes largeurs ! Merci pour ces précisions. En vous souhaitant une bonne santé et bonne continuation...