mercredi 26 septembre 2012

Nîmes : le castellum.


                                        Troisième épisode dans notre visite touristique de la Nîmes romaine : après la Maison Carrée ici et la Porte Auguste ici, je vous propose d'aller jeter un œil du côté de la rue de la Lampèze, pour admirer le Castellum.

                                        Commençons par le commencement : qu'est-ce qu'un castellum ? L'historien de la ville de Nîmes Léon Ménard, bien qu'il ne l'aie jamais vu et n'en parle que par ouï-dire, donne pourtant une bonne description de celui qui nous intéresse aujourd'hui :
"C'était par une longue suite d’aqueducs, que les eaux des fontaines d'Eure et d'Airan étaient conduites sur le pont du Gard, et de là, jusqu'à Nîmes. A peu près sur le coteau où l'on a, depuis, bâti la citadelle, on voyait, autrefois, un réservoir dans lequel cet aqueduc portait une partie de ses eaux."

Le castellum de Nîmes.

                                        Au départ, ce genre de constructions n'avait qu'un but utilitaire : distribuer dans divers points l'eau drainée par les aqueducs. Elles portaient le nom de dividicula. Au fil du temps, elles s'agrandirent et devinrent de véritables monuments, participant à l'embellissement des villes en même temps qu'au confort de leurs habitants : on leur donna alors le nom de castella. Pline l'Ancien décrit ainsi, dans son "Histoire Naturelle", les travaux entrepris à Rome par Agrippa, au nombre desquels figuraient plusieurs castella.
"Mais venons en à des merveilles que rien ne surpasse aux yeux d'un juste appréciateur. Q. Martis Rex, chargé par le sénat de réparer les conduites des eaux Appia, Anio et Tépula, ajouta, durant sa préture même, une nouvelle eau qui porte son nom, et pour laquelle il fit percer des montagnes. Agrippa, dans son édilité, y joignit l'eau Vierge, réunit et restaura les anciens canaux, fit sept cents abreuvoirs, cent cinq fontaines jaillissantes, cent trente réservoirs, la plupart magnifiquement ornés. Sur toutes ces constructions, il plaça trois cents statues d'airain ou de marbre, quatre cents colonnes de marbre, et tout cela en un an." (Pline l'Ancien, "Histoire Naturelle", XXXVI-17)

Castellum de Pompéi.


                                        Ce serait un euphémisme de dire que les vestiges de ce genre sont rares : mis à part celui de Nîmes, seul subsiste celui de Pompéi, au demeurant plus complet mais plus petit. Nîmes peut donc se vanter de posséder l'un de deux seuls bassins de répartition des eaux du monde romain encore existants. Construit dans la première moitié du Ier siècle après J.C., laissé à l'abandon au VI ème siècle, ses vestiges furent enfouis vers 1687 lors de la construction d'une citadelle sous Louis XIV, après la révocation de l'Édit de Nantes, et ils ne furent mis au jour qu'en 1823, avant d'être rachetés par la ville trente ans plus tard (1855). Depuis 1887, le castellum est classé parmi les monuments historiques.


Le Pont du Gard.
 Au Ier siècle avant J.C., la colonie de Nemausus comptait environ 20 000 habitants. Afin de l'alimenter en eau, les Romains lancèrent la construction d'un aqueduc, dont le Pont du Gard demeure le plus beau vestige. Cet aqueduc acheminait l'eau depuis la fontaine d'Eure, située près d'Uzès, et depuis celle d'Airan , sur près de 50 kilomètres à travers la garrigue.  L'eau ainsi drainée aboutissait au Castellum, bassin dont la fonction était donc de la redistribuer aux différents quartiers de la ville par dix canalisations dont on peut encore voir les ouvertures.






 


Conduite amenant l'eau de l'aqueduc.
Le castellum est un bassin circulaire creusé dans la roche, d'une contenance approximative de 16m³, mesurant environ 6 mètres de diamètre pour 1m40 de profondeur, pavé d'un glacis de chaux-vive et de briques concassées. Détail amusant : on a retrouvé au fond des pièces de monnaie antique - preuve que la superstition consistant à jeter des pièces dans les fontaines et bassins remonte à loin. L'eau amenée par l'aqueduc arrivait par une ouverture de section carrée d'1 m de côté, alors fermée par une grille de 6 barreaux de fer (comme celle fixée au fond du bassin, elle servait sans doute à éviter l'entrée de déchets dans le bassin, et peut-être aussi à empêcher les intrusions par la conduite), légèrement décalée par rapport à l'axe du bassin de façon à générer un mouvement tournant. Du côté Sud-Ouest, en direction de la ville antique, dix autres ouvertures de 40 cm de diamètre, équidistantes et traversant la paroi dans toute son épaisseur, comportaient des canalisations de plomb destinées à répartir l'eau dans les différentes zones. Elles dégorgeaient deux par deux dans des canaux séparés.


Orifices accueillant les canalisations.



Trous d'évacuation.
Au total, on estime que l'ensemble offrait un débit d'environ 20 000 m³ par jour. L'eau pouvait atteindre une hauteur maximale d'1m30, mais sans doute un système de tubes télescopiques permettait-il d'en abaisser le niveau. Au fond du bassin, on aperçoit trois autres orifices : selon Auguste Pelet, ils servaient peut-être à alimenter les bains ou l'amphithéâtre, dans le cadre de naumachies. Mais surtout, ils permettaient de vidanger le bassin vers les égouts : des clapets, bloqués par trois tiges de fer fixées perpendiculairement aux ouvertures, permettaient de les garder hermétiquement fermés et, une fois enlevés, de vider le castellum afin de le nettoyer. Encore fallait-il que l'arrivée d'eau soit coupée en amont : d'où l’existence d'une vanne, manœuvrée par un système de tiges et de plaques, qui permettait d'obstruer l'arrivée d'eau de façon partielle ou complète, et sans doute de plusieurs bassins de contention le long de l'aqueduc. On en connaît deux, près de la fontaine d'Eure et en amont du pont du Gard.




Vue générale.




                                        Le bassin lui-même est surmonté d'un marchepied d'1m47, constitué de dalles à partir desquelles s'élève un mur de 2m30 de hauteur, construit en moellons d'appareil et recouvert de ciment. A l'origine, l'ensemble était orné d'une fresque représentant des dauphins et des poissons, peints au centre d'un double carré formé d'une bande verte et d'une bande rouge, larges respectivement de 30 et 8 cm.


                                        Des fragments de colonnes et d'entablement retrouvés au fond ont également permis de comprendre que le bassin était couvert : le mur d'enceinte était en effet dominé par des colonnes corinthiennes couronnées d'une corniche, qui supportaient une toiture. A l'extérieur, le mur d'enceinte formait un stylobate (piédestal soutenant des colonnes) carré, dans lequel s'inscrivait le château d'eau. La porte, située du côté nord, était large de 1m20.

                                        Aujourd'hui, seul le bassin existe encore. Bien qu'en excellent état et facilement visible depuis la rue, il est malheureusement impossible d'y accéder, et le monument ne se visite que rarement. Je dois reconnaître que c'est assez frustrant ! Reste à espérer qu'un jour, des initiatives seront prises afin de valoriser ce témoignage unique de l'ingénierie romaine, superbe témoin du passé de la ville...


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