lundi 9 juillet 2012

Orbis : Tous Les Chemins Mènent à Rome...

Arausio, notre point de départ...

                                        Allez, un petit effort d'imagination ! Nous sommes le 15 Avril 214 après J.C. (Dies Veneris prid. Kal Apr CMLXVII AUC - sauf erreur de ma part...) Vous vous appelez Lucius Rufus Rubinius - ce nom en vaut un autre, je vous laisse libre d'en changer. Vous vivez près d'Arausio (Orange), où vous avez bâti votre fortune grâce à l'exportation de produits de la région, que vous vendez à Rome. Votre frère, Caius, s'est installé à Lutetia (Paris). Or, depuis quelques temps, vos affaires se sont tellement développées que vous ne vous en sortez plus tout seul, et vous avez décidé de rendre visite à Caius, afin de lui proposer de s'associer avec vous. Et là, je vous pose la question : comment allez-vous vous y prendre ? Quelles villes allez-vous traverser, par où allez-vous passer ? Quel moyen de locomotion choisirez-vous ? Combien de temps durera votre voyage ? Quand parviendrez-vous à destination, et est-ce que votre frangin doit vous attendre pour dîner ? Et quand serez-vous de retour à Arausio, avec ou sans Caius ? Normalement, vous séchez. Et je vous comprends ! Aujourd'hui, vous haussez les épaules et vous vous précipitez sur Google Maps : Orange-Paris en voiture,  6 h 23 min au moment où je tape ces lignes (le temps varie selon les conditions du trafic), en passant par l'A6 et l'A7. Mais, en tant que Lucius Rufus Rubinius, vous allez devoir vous débrouiller autrement. Google Maps, même latinisé en Googlius Mapsius, ça ne passera pas...  


Le site Orbis.


                                       Heureusement, il y a désormais le site orbis.stanford.edu ! Comme sur Google Maps, vous n'avez qu'à sélectionner vos villes de départ et d'arrivée, et en voiture Simone ! Ou plutôt, en raeda... Marcia ! (Cf. ci-dessous pour la définition de la raeda...) Évidemment, on n'obtient pas du tout le même résultat : comptez en moyenne 22 jours avant de serrer votre frère dans vos bras ! Voire 50 en char à bœufs - en passant par Vienna (Vienne), Lugdunum (Lyon), Augustodonum (Autun)... Prévoyez 27 jours à dos de mulet, contre un peu plus de 3 si vous avez les moyens de vous payer un relais à cheval. A moins que vous ne préfériez transiter par Narbo (Narbonne), Tolosa (Toulouse) et Burdigala (Bordeaux), pour vous embarquer sur un bateau et longer l'Atlantique jusqu'à Civitas Namnetum (Nantes)...

                                        Ce programme, mis au point par une équipe d'historiens, de géographes et d'informaticiens de l'Université de Stanford, reprend donc peu ou prou la formule de Google Maps - à ceci près qu'il se base sur les routes de l'Empire romain pour calculer votre itinéraire. A partir de plus de 700 sites répertoriant cartes et routes, les concepteurs ont recréé le réseau de transport du IIIème siècle après J.C., sur une superficie équivalente à celle du Canada. Près de 270 ports, plus de 84 000 kilomètres de routes, des pistes au milieu du désert, sans compter les canaux et rivières, les routes maritimes... Bref, tout ce qu'il faut pour préparer son petit week-end à Arelate (Arles) : reste juste à réserver une auberge.
 
                                        Le petit plus d'Orbis, c'est qu'il vous offre la possibilité de choisir vos paramètres : moyen de transport (à pied, à cheval , en char à bœufs, en chariot, avec un mulet, à marche militaire, etc.), période de l'année, sur terre ou par mer... Choisissez également entre le trajet le plus court, le plus rapide et le moins cher : croyez-moi, cela réserve pas mal de surprises. Tous ces facteurs pouvaient faire varier la durée du voyage de manière considérable - de quelques jours à plusieurs mois.


Pièce romaine illustrée d'un carpentum.


Litière. (Source Don Carson 3D.)

Plus généralement, la plupart des routes, bien que moins nombreuses et directes que les nôtres, étaient en bon état - bien que parfois peu sûres. Mais surtout, les moyens de locomotion habituels étaient lents. Par exemple, les entreprises de transport privées, assez nombreuses mais au petit nombre de relais, ne circulaient que de jour, avec une moyenne de 60 kilomètres quotidiens. Les riches propriétaires de litières, chevaux, voitures et relais, pouvaient aller beaucoup plus vite. De toute évidence, le choix du cheval s'imposait lorsqu'on était pressé. Autrement, on utilisait la litière, munie de rideaux et portée par plusieurs esclaves (de 2 à 8, selon ses dimensions), le carpentum (voiture à deux roues, à baldaquins et également garnie de rideaux) ou le cisium ou l'essedum pour les courses urgentes (voitures à deux roues pouvant transporter deux personnes). Mais le véhicule de voyage par excellence, c'était la fameuse raeda, voiture à quatre roues.


Une raeda.




                                        Ajoutons qu'il existait de rares hôtelleries (deversoria, mansiones, cauponae) proposant le gîte et le couvert à des tarifs modiques : 1/2 as au IIème siècle avant J.C. Peu confortables, elles étaient surtout fréquentées par les marchands et les personnes modestes. Les plus aisés, quant à eux, s'arrêtaient dans des hospites privati, où ils étaient hébergés par des clients, des amis, etc. - qu'ils accueillaient à leur tour, si l'occasion se présentait. Les fonctionnaires et personnages officiels, enfin, se rendaient chez les parochi, des hôteliers officiels chargés de pourvoir à leurs besoins. 

                                        En tous cas, grâce à Orbis, vous voilà désormais prêts à arpenter les routes de l'Empire ! Votre itinéraire géographique est tout tracé. Par contre, pour le voyage dans le temps, ça pose encore problème...


Je rappelle le lien : orbis.stanford.edu

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