vendredi 20 juillet 2012

Numa Pompilius, le deuxième Roi de Rome.

                                        Habituellement, je ne planifie pas les sujets abordés dans mes billets. J'ai certes quelques idées, que je garde dans un coin de mon esprit mais, le plus souvent, j'écris selon l'inspiration du moment. Parfois, l'idée vient d'un article, d'un livre, d'un reportage à la télévision. De temps à autres, c'est une réflexion entendue dans la rue, une référence inattendue à l'histoire romaine, voire quelque chose d'aussi insignifiant qu'un rendez-vous chez le coiffeur, qui allume une petite ampoule au-dessus de ma tête et m'incite à consacrer quelques lignes de ce blog à un sujet précis. Il arrive aussi que je me réveille un matin en me disant, "Tiens, je vais parler de Fulvia.", sans savoir d'où peut bien sortir une telle idée. En tous cas, rien n'est prévu longtemps à l'avance, tout est spontané. Et bien cet article, c'est l'exception qui confirme la règle, puisqu'il s'agit en quelque sorte d'une "commande" : ma mère, qui lit mon blog
(bonjour, maman !), m'a demandé de rédiger un billet sur Numa Pompilius.

Brigitte Fossey et Paul Barge.

                                        Et figurez-vous que, si j'avais été un garçon, je me serais justement prénommée Numa ! N'y voyez aucune référence au deuxième Roi légendaire de Rome, puisque la faute en incombe entièrement à Élisabeth Barbier et à son roman "Les Gens De Mogador", que ma mère lit pratiquement en boucle depuis 30 ans ! Ce livre, qui retrace la saga d'une famille provençale sur plusieurs générations, met en scène, dans sa dernière partie, les amours contrariées de Dominique et Numa Vernet - interprété par Paul Barge dans l'adaptation télévisée qui en a été faite dans les années 70. Bon, il se trouve que, comme je suis une fille, un autre choix s'est imposé... Mais Numa reste le prénom masculin préféré de ma douce mère, raison pour laquelle elle a émis le souhait de me voir traiter du personnage romain qui le porte. Souhait que je m'empresse donc d'exaucer...
(N.B. : Encore une chance que ma mère n'ait pas été fan de "Dallas" : je ne sais pas où j'aurais déniché un Bobby ou un J.R. dans l'Histoire romaine.)

Numa Pompilius.

                                        La première chose à savoir sur Numa Pompilius... c'est qu'on ne sait pas grand-chose ! C'est-à-dire que la plupart des textes se réfèrent à des légendes, à des rumeurs, et que les historiens en sont réduits à émettre des hypothèses. D'ailleurs, les historiographes se disputaient déjà au sujet de Numa du temps de Plutarque ! Les faits se contredisent, et les allégations sont souvent fantaisistes. Ainsi, malgré l'évidence chronologique, Numa Pompilius aurait été le disciple de Pythagore... mort 173 ans avant lui ! C'est vous dire si on est rendu... Mais enfin, entre suppositions et récits mythologiques, essayons tout de même de retracer les grandes lignes de la vie de Numa Pompilius.

Numa et Pythagore...

                                  Numa Pompilius serait né le jour même de la fondation de Rome par Roumulus (le 21 Avril 753 avant J.C., donc). Cadet de Pomponius, qui avait trois autres fils, c'était un homme sérieux, menant une vie austère et sans ostentation. Le roi sabin Titus Tatius, qui avait également été co-Roi de Rome avec Romulus pendant 5 ans, lui donna en mariage sa fille unique, Tatia. Elle aurait accouché d'une fille, Pompilia. D'autres sources avancent que le couple aurait également engendré quatre fils, Pompo, Pinus, Calpus et Mamercus. D'autres enfin prétendent que Pompilia était issue du mariage de Numa et Lucrèce, contracté après l'accession au trône de Numa. Mais toutes ces informations sont sujettes à caution : Plutarque explique, comme je l'ai rapporté, que les historiographes étaient incapables de se mettre d'accord et débattaient notamment du nombre d'épouses et d'enfants de Numa Pompilius.

                                        A la mort de Romulus, et après un interrègne de plus d'un an, les Sabins exigèrent que le nouveau roi soit l'un des leurs. Les Romains acceptèrent, à condition de pouvoir décider eux-mêmes de l'homme en question. Leur choix se porta sur Numa, précédé par sa réputation de tempérance et de sagesse. Devenu veuf après 13 ans de mariage avec Tatia, il s'était retiré dans la campagne sabine, près de la ville de Cures. Une délégation, composée de Romains et de Sabins, alla donc annoncer à Numa son  élection. D'abord réticent, il finit par se laisser convaincre par son père et par le peuple de Cures. L'opinion de ces derniers était que les Romains, livrés à eux-mêmes, resteraient toujours le peuple belliqueux qu'ils avaient été sous Romulus, et qu'il leur fallait un roi pacificateur, capable de les contenir ou, à défaut, de canaliser leur agressivité sur d'autres que les Sabins ! L'argument porta et Numa accepta l'offre, en 715 avant J.C. Son premier acte consista à renvoyer la garde royale instituée par Romulus...

Numa et la nymphe Égérie. ( Thorvaldsen Museum)
                                       

Numa Pompilius a laissé l'image d'un roi sage, pieux et pacifique, respecté par tous. On disait qu'il avait pour conseillère la nymphe Égérie : celle-ci venait la nuit, dans la grotte des Camènes près d'une source sacrée, afin de lui prodiguer ses conseils. Elle serait même devenue sa maîtresse, avant de l'épouser.









Mais ceci n'est guère étonnant puisque Numa papotait avec Jupiter lui-même ! C'est en tous cas ce que rapporte Ovide dans ses "Fastes" : à l’époque, les foudres tombaient sur Rome sans discontinuer et les Romains étaient terrorisés. Que croyez-vous que fit Numa ? Et bien, il parlementa directement avec Jupiter ! Celui-ci lui réclamait un sacrifice humain :
"Coupe une tête", dit-il; le roi répondit : "J’obéirai; il faudra couper la tête d’un oignon tiré de mon jardin". Le dieu précise : "la tête d’un homme"; le roi répond : "Tu prendras ses cheveux"; mais le dieu exige une vie; Numa réplique : "la vie d’un poisson". Le dieu se mit à rire et dit : "Par ces offrandes, tâche de conjurer les traits de ma foudre, ô mortel qui n’est pas indigne de converser avec les dieux." (Ovide, "Fastes", 3)

Et le lendemain Jupiter, décidément beau joueur, fit descendre sur le Palatin un bouclier gravé de prophéties concernant Rome. Numa, au cas où on égarerait l'original, en fit forger 11 répliques, placées sous la protection des prêtres Saliens, dans le palais de la Régia.  Ces boucliers, connus sous le nom d'ancilla, étaient emmenés en procession annuelle par ces mêmes prêtres, accompagnés de Saliens en armure.
 



Les Vestales - détail d'une fresque d'Arpino. (Photo Mary Harrsch)



Temple de Vesta à Rome. (Photo Flickr Dalbera)
Profondément religieux, Numa serait l'instigateur de la plupart des cultes et institutions sacrées de Rome. Par la même occasion, les Romains occupés par les processions et les cérémonies pensaient moins à taper sur leurs voisins : Numa était venu pour les pacifier, et c'était un moyen d'y parvenir ! Ainsi, il fit élever un temple à la Fides. Il fit aussi construire celui de Vesta, et créa le collège des prêtresses vouées à la déesse (les Vestales, vierges chargées de veiller sur le feu sacré.) Il institua les collèges sacerdotaux des flamines, des féciaux (dont l'assentiment était nécessaire avant d'entrer en guerre), des Augures, des pontifes (chargés des sacrifices et obsèques publics) et, bien sûr, celui des prêtres Saliens (voir ci-dessus). Grâce à lui, on rendit les honneurs religieux à Romulus, divinisé sous le nom de Quirinus, et il créa aussi d'autres cultes, parmi lesquels ceux de Jupiter Terminus, Jupiter Elicius, Janus... Il incorpora également au panthéon romain plusieurs divinités sabines.


Numa (gauche) - Détail d'une fresque d'Arpino. (Source Mary Harrsch.)

                                        Numa a également laissé son nom à une réforme du calendrier : du temps de Romulus, le calendrier comptait 304 jours, répartis en 10 mois de 30 et 31 jours, avec 61 jours  ajoutés en fin d'année. Avec Numa, les mois passèrent à 29 ou 31 jours, et il ajouta deux mois supplémentaires : Février (28 jours) et Janvier (29 jours - désormais premier mois de l'année, au lieu de Mars) - portant ainsi l'année à 355 jours, auxquels il adjoignit un mois intercalaire de 29 jours, tous les 4 ans. On lui doit également l'instauration de jours fastes et néfastes.

                                        Ces modifications, religieuses autant qu'administratives, montrent que Numa ne s'est pas contenté d'importer de nouveaux Dieux ou de réguler les cultes et institutions religieuses. Ainsi, il distribua les terres conquises par Romulus aux citoyens les plus pauvres, dans l'espoir que l'activité agricole, en pourvoyant à leurs besoins alimentaires, les détourne de la guerre. On raconte qu'il avait pour habitude de visiter lui-même les fermes, félicitant ceux qui s'occupaient convenablement de leurs terres et morigénant les paresseux. C'est également à lui qu'on attribue l'organisation des premières guildes de métiers à Rome : alors que, jusque là, les habitants de Rome se considéraient avant tout comme Romains ou Sabins, ces guildes les incitaient à se rassembler selon leur profession, et non plus leur origine.    

Numa et Égérie portant l'ancilla - tableau d'Angelica Kauffmann.

                                        Numa Pompilius mourut de vieillesse, à Rome, en 673 avant J.C. Sa disparition ouvrit une nouvelle période d'interrègne, avant que Tullus Hostilius ne lui succède sur le trône. Au final, nous disposons donc de très peu de certitudes sur Numa Pompilius. Mais subsiste malgré tout l'image d'un législateur et d'un réformateur ayant contribué à la fondation de la société romaine, tant du point de vue culturel que cultuel. Un roi pacifique aussi : durant ses 43 ans de règne, les portes du temple de Janus, ouvertes en temps de guerre, demeurèrent closes. Le nom de Numa est passé à la postérité et, sous la République, quatre gentes se réclamaient de sa descendance :
  1. les Pomponii (issus de Pompo)
  2. les Aemilii (de Mamercus)
  3. les Calpurnii (de Calpus)
  4. et les Pinarii (de Pinus)
Pour les Romains, le deuxième roi de Rome était une figure fondatrice, et eux-mêmes se surnommaient les "rejetons de Numa".

                                        Voilà : j'ignore si le résultat répondra aux attentes de mon commanditaire. En tous cas, je n'aurais pas eu à rougir de mon prénom, si j'avais été un garçon. Et Numa me paraît toujours préférable à John Ross...

Pièce montrant Numa sacrifiant une chèvre.

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