vendredi 24 février 2012

Tibère : de la naissance à l'Empire.

Pour inaugurer ce blog, j'ai donc choisi de parler de Tibère. Pourquoi pas Romulus, Auguste, ou à la limite Hadrien ou Marc-Aurèle ? Et bien, parce que j'ai un faible pour Tibère. Et là, je vous entends d'ici : quoi,Tibère ?! Ce misanthrope reclus sur son île de Capri ? Ce dépressif paranoïaque ?! Ben oui. Peut-être parce que je suis moi-même légèrement misanthrope, dépressive et paranoïaque, mais en tous cas, Tibère, c'est mon Empereur préféré, et je suis loin de partager l'opinion de Suétone à son sujet. Soit dit en passant, voilà un bon truc à retenir : je suis rarement d'accord avec Suétone. Mais nous y reviendrons...

Donc, Tibère est né à Rome le 16 Novembre 42 avant JC. Il est le fils de Livia Drusilla et de Tiberius Claudius Nero (En fait, le père ET le fils portant ce nom, nous simplifierons en appelant le fils Tibère, et
le père Tiberius. Juste histoire de nous y retrouver...), ancien commandant de la flotte de Jules César, qui a choisi de soutenir Marc Antoine dans la guerre civile qui l'oppose à Octave. Mauvaise pioche : Octave prend l'avantage et Tiberius, la poudre d'escampette. Il embarque sa petite famille et s'enfuit, d'abord en Sicile puis en Grèce. Tibère passe donc les premières années de sa vie avec son père et sa mère, en exil, à fuir les délateurs et les assassins envoyés par Octave. Et lorsque, finalement, Tiberius est amnistié et que la famille rentre en Italie, Tibère est arraché à sa mère : Octave, nouvel homme fort de Rome, est tombé amoureux de Livie. Ni une, ni deux : il répudie sa femme et oblige Tiberius à divorcer. Livie est enceinte : et alors ?! Personne n'y trouve rien  à redire et Livie épouse Auguste, abandonnant le petit Tibère chez son père, où il est rejoint quelques mois plus tard par son petit frère, Drusus.

Tibère a 9 ans lorsque son père meurt. Drusus et lui vont alors vivre avec leur mère et l'Empereur - qui s'appelle désormais Auguste. (Je sais : entre la généalogie, les patronymes identiques et les changements de noms, y a de quoi choper la migraine !) Ils y retrouvent une ribambelle de gamins : Julie, la fille qu'Auguste a eu de sa seconde épouse, les enfants de Marc Antoine (ceux qu'il a eus avec Octavie, soeur d'Auguste, et ceux de Cléopâtre), et les enfants de princes ou notables étrangers, gardés par Rome en qualité d'otages. Tout ce petit monde est élevé ensemble et Tibère, brillant élève, fait son chemin dans la hiérarchie de l'Empire, gravissant les échelons du cursus honorum. 

A l'âge de 22 ans, il prend son premier commandement militaire important en Parthie, pour rétablir le roi Tigranes III sur le trône d'Arménie. Quelques années plus tard, après des missions en Gaule et par-delà le Rhin, il combat les Dalmates, pacifie la Pannonie (la Hongrie actuelle, grosso modo) et réorganise la province d'Illyrie.  Excellent général, bon stratège, il est aimé de ses hommes, auprès desquels il est très populaire. Cette campagne lui vaut un triomphe lors de son retour à Rome. Hélas, en 9 avant JC, Drusus meurt sur les bords du Danube, victime d'un accident de cheval. C'est une nouvelle épreuve pour Tibère, très proche de son frère : en 11 avant JC déjà, il avait été obligé de divorcer de Vispania, son épouse tendrement aimée, pour épouser Julie, sur ordre d'Auguste.. Mais le mariage n'est pas des plus heureux et, 5 ans plus tard, alors qu'Auguste vient de lui accorder la puissance tribunicienne, Tibère renonce à tous les pouvoirs : à la surprise générale, il abandonne sa femme et part vivre à Rhodes, en simple particulier !

On s'interroge encore sur les raisons d'une telle décision : à 36 ans, aussi proche du pouvoir qu'il aurait pu le souhaiter, voilà qu'il s'exile volontairement à Rhodes, où il n'a d'autre activité que la lecture et l'étude ! Etait-il jaloux des faveurs accordées à Gaius et Lucius, les fils que Julie avait eu d'Agrippa (et donc les petits-fils d'Auguste, pressentis pour lui succéder) ? Ne supportait-il plus les bruits qui couraient dans Rome sur le comportement dépravé de son épouse ? Ou était-il simplement las d'exercer les fonctions qui lui avaient été dévolues ? Mystère. Entre temps, l'inconduite de Julie (pour résumer, elle couchait avec à peu près tout ce qui portait toge...) a provoqué un énorme scandale et son père en a enfin été informé : il l'a bannie à vie sur la petite île de Pandataria. Quant à Tibère, s'il est parti volontairement en défiant l'Empereur, il ne peut pas rentrer à Rome sans l'autorisation d'Auguste - qui n'est pas prêt de la lui accorder. Du coup, il y reste jusqu'en 2 après JC, où Auguste le rappelle auprès de lui. Il faut dire que l'homme, vieillissant, se cherche un successeur : tous ses héritiers putatifs tombent comme des mouches, les uns après les autres ! Son neveu Marcellus d'abord, son ami Agrippa ensuite, puis Gaius et Lucius. Morts naturelles, accidents, empoisonnements ? Les auteurs antiques sont prompts à accuser Livie, prête à tout pour que son fils Tibère accède au pouvoir. Quelle que soit sa part de responsabilité, le résultat est le même : en 4, Auguste adopte Tibère. Il y met toutefois une condition : Tibère doit adopter à son tour son neveu Germanicus, fils de son frère Drusus - et ce alors qu'il a déjà un fils, Drusus (aussi !), né de sa première union. On résume : Auguste adopte Tibère qui adopte son neveu Germanicus. (Les aspirines sont sur la première étagère à droite. )  Tibère prend le nom de Tiberius Julius Caesar - mais nous, on va continuer à l'appeler Tibère.



Tibère - Musée archéologique d'Arles.
               
Immédiatement après son adoption, Tibère récupère sa puissance tribunicienne, et part combattre en Germanie, où il enchaîne les succès. Son avancée est cependant stoppée net lorsque la Dalmatie et la Pannonie se soulèvent. Tibère conclut à la va-vite la paix avec les Germains, et se précipite sur le nouveau front : secondé par Germanicus, il inflige des défaites successives aux rebelles : en 9, il obtient un second triomphe et le titre d'Imperator. Puis, il repart en Germanie où la défaite de Varus a considérablement affaibli les positions romaines. Agissant avec prudence, Tibère parvient à rétablir la situation et à maintenir la frontière le long du Rhin, en s'assurant la fidélité des peuples germaniques.

En 14, Auguste le renvoie en Illyrie. Alors qu'il est en route, Tibère apprend que l'Empereur a été victime d'un malaise à Nola : il rebrousse chemin et, selon Suétone, les deux hommes auraient un dernier entretien - version contestée par d'autres sources. Tacite, lui,  prétend que Livie aurait empoisonné son mari, qui se serait rapproché de son troisième petit-fils Agrippa Postumus, remettant une nouvelle fois en question sa succession... Peu importe : interviennent en même temps l'annonce de la mort d'Auguste et celle de l'assassinat d'Agrippa Postumus - meurtre ordonné, au choix, par Tibère, Livie, ou Auguste sur son lit de mort. Tibère convoque le Sénat le 17 Septembre, pour ouvrir le testament de son père adoptif : sont nommés comme héritiers Tibère et Livie. Les sénateurs demandent à Tibère de prendre la succession de son père : il commence par refuser, avant de se raviser - soit qu'il désire être supplié par le Sénat pour ne pas laisser croire qu'il accapare le pouvoir de son propre chef, soit qu'il hésite réellement à assumer une telle fonction. Encore une fois, le résultat est le même : Tibère succède à Auguste le 18 Septembre 14.

Et nous continuerons une prochaine fois...

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